Ascite


HEPATO- GASTROENTEROLOGIE
Ascite

Objectifs :
– Devant une ascite, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

ORIENTATION DIAGNOSTIQUE
L’ascite est définie comme une collection liquidienne intra péritonéale.
Les étiologies sont variées. La cause la plus fréquente est la cirrhose, principalement alcoolique.

A/ Diagnostic positif
1. Mode d’installation
L’ascite est d’installation progressive ou brutale, souvent précédée d’un météorisme abdominal.
Elle s’accompagne souvent d’une prise de poids, d’une augmentation du périmètre abdominal.


2. Examen clinique
L’examen objective une distension abdominale, associée à une matité des flancs, déclive, à limite concave vers le haut et mobile. L’ascite est le plus souvent indolore. Elle est détectable cliniquement lorsque son volume atteint 2,5 l environ.
La palpation du foie et de la rate n’est possible que si l’ascite n’est pas trop tendue. On peut
rechercher le signe du glaçon (la dépression brusque de la paroi abdominale refoule le foie qui donne un choc en retour) révélant une hépatomégalie, voire une splénomégalie ou une tumeur intra-abdominale.
Lorsque l’ascite complique une cirrhose :
– Un œdème des membres inférieurs peut s’associer à l’ascite.
– Il existe parfois un œdème de la paroi abdominale.
– L’ascite s’accompagne parfois d’un épanchement pleural, le plus souvent droit (cet épanchement
est dû à des communications entre les cavités péritonéale et pleurale à travers le diaphragme).
La gêne occasionnée par l’ascite peut être très importante et entraîner notamment une anorexie,
une gêne respiratoire.
Il recherche une hernie ombilicale qui peut s’étrangler ou se rompre.

3. Ponction exploratrice
Ce geste est toujours indiqué et confirme le diagnostic.
Les troubles de la coagulation ne sont pas une contre-indication.

Technique :
– Elle nécessite une asepsie rigoureuse, avec désinfection large de la peau,
– Elle est pratiquée du côté gauche, à l’union du 1/3 externe et des 2/3 internes d’une ligne
unissant l’épine iliaque antéro-supérieure et l’ombilic.

Aspect macroscopique :
– Le liquide est le plus souvent jaune et citrin.
– Un aspect trouble fait évoquer une infection.
– Un aspect hémorragique fait suspecter une néoplasie.
– Un aspect chyleux évoque une compression lymphatique.




Étude biochimique :
Le dosage des protides permet la distinction entre  transsudat (protides < 25 g/l) et exsudat (protides > 25 g/l).
– Le dosage des triglycérides réalisé lorsque l’ascite a un aspect chyleux ; ce qui permet de distinguer les ascites chyliformes (TRG< 1 g/l) des ascites chyleuses (TRG > 1 g/l).
– Si besoin, d’autres mesures spécifiques sont réalisées (amylase, acide hyaluronique…).

 Étude cytologique :
– Numération et formule des éléments cellulaires et, éventuellement, examen cytologique à la
recherche de cellules malignes.

Étude bactériologique :
– Ensemencement sur milieu de culture (flacon d’hémoculture) : systématique pour l’ascite
de la cirrhose.
– Des cultures sur milieux spéciaux (milieu de Löwenstein) sont effectuées si besoin.

B/ Diagnostic différentiel

1. Globe vésical
La matité est hypogastrique, convexe vers le haut, non déclive.
2. Volumineuse tumeur pelvienne (kyste de l’ovaire surtout)
Il faut s’aider des touchers pelviens et de l’échographie.

C/ Diagnostic étiologique
L’étiologie de l’ascite est souvent évidente. L’examen du liquide d’ascite ne fournit le plus
souvent que des éléments d’orientation pour le diagnostic étiologique.

1. Ascite au cours des maladies du foie

a) Ascite cirrhotique
– La cirrhose est la cause la plus fréquente d’ascite. L’ascite est un signe de décompensation
de la cirrhose.
– Physiopathologie de l’ascite dans la cirrhose :
* L’ascite n’apparaît que si deux conditions sont réunies : une hypertension portale (HTP) et une rétention hydrosodée.
* La rétention hydrosodée est induite par l’insuffisance hépatocellulaire (IHC) : l’IHC induit une stimulation du système rénine-angiotensine et donc un hyperaldostéronisme ; l’hyperaldostéronisme entraîne une réabsorption du sodium et de l’eau au niveau du tube distal du rein.
* L’HTP localise la rétention hydrosodée dans la cavité péritonéale.
– Diagnostic :
* L’ascite de la cirrhose est souvent associée à :
 Un foie dur à bord inférieur tranchant.
La présence de signes d’insuffisance hépato-cellulaire (angiomes stellaires, érythrose palmaire, diminution du TP, du facteur V et de l’albumine).
La présence de signes d’hypertension portale (splénomégalie, circulation veineuse collatérale,
hypersplénisme).
Des œdèmes des membres inférieurs, mous, indolores, prenant le godet.
Une oligurie (< 500 ml/j), avec natriurèse basse.
– Ponction d’ascite :
* Le liquide est habituellement citrin.
* Il s’agit d’un transsudat, contenant 5 à 25 g/l de protides, stérile.
– Infection du liquide d’ascite (ILA) :
* Elle doit être évoquée, chez un cirrhotique, en présence d’une fièvre, de douleurs abdominales,
de diarrhée ou d’une aggravation inexpliquée de l’insuffisance hépatique (encéphalopathie).
* Il s’agit d’une complication fréquente (20 % des malades ayant une ascite sur cirrhose).
* Infection par une bactériémie, soit par une translocation au travers de la paroi intestinale.
* Le diagnostic repose sur l’examen du liquide d’ascite, avec ascitoculture :
Augmentation du nombre de polynucléaires neutrophiles : > 250/mm3.
Ascitoculture : ensemencement direct de 10 ml d’ascite sur flacons d’hémocultures
aéro-anaérobies, au lit du malade.
* Il s’agit le plus souvent d’entérobactéries (bacilles Gram négatifs, anaérobies).
* Le taux de protides dans l’ascite est un mauvais marqueur d’infection.
* Un taux faible de protides dans l’ascite (< 10 g/l) expose à un risque accru d’infection et
peut justifier un traitement antibiotique : c’est la prévention primaire d’ILA. En cas d’antécédent d’infection du liquide d’ascite, une antibiothérapie, le plus souvent par Noroxine, est systématique. C’est la prévention secondaire.
* C’est une complication grave, puisque la mortalité immédiate est de l’ordre de 30 %.
* Le traitement consiste en une monoantibiothérapie pendant 7 jours, par céfotaxime
(Claforan) ou amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin) ou fluoroquinolones (Oflocet),
associée à un remplissage par de l’albumine afin de diminuer le risque d’insuffisance rénale.

b) Ascite au cours des blocs sus-hépatiques
– L’obstruction des veines sus-hépatiques (syndrome de Budd-Chiari) est suspectée devant
une ascite pauvre en cellules, souvent riche en protides, associée à des douleurs de l’hypocondre
droit et à une hépatomégalie, parfois à un ictère et une insuffisance hépatique
(formes aiguës).
– L’obstruction des veines sus-hépatiques est due à une thrombose des veines sus-hépatiques,
parfois à une compression (tumeur, kyste, abcès), à une obstruction néoplasique (hépatome,
cancer du rein).

2. Ascite d’origine cardiaque
Une ascite volumineuse peut survenir au cours de cardiopathies associées à une forte augmentation
de la pression veineuse : péricardite chronique constrictive et valvulopathies (tricuspidiennes
surtout). On peut observer une ascite au cours d’une poussée d’insuffisance cardiaque droite, quelle que soit son étiologie.
Le tableau clinique peut être proche de celui d’une cirrhose (une authentique cirrhose cardiaque
peut, rarement, se développer).
Le diagnostic est évoqué sur l’existence d’hépatalgies spontanées ou déclenchées par l’effort,
d’une turgescence des veines jugulaires, d’un reflux hépato-jugulaire et d’une hépatomégalie
douloureuse (ferme ou dure).
Le liquide d’ascite est pauvre en cellules et riche en protides (> 25 g/l).
Le diagnostic est confirmé par les examens cardiaques : radiographie de profil (calcifications
péricardiques), échographie cardiaque et cathétérisme droit.

3. Ascite d’origine tumorale
L’origine tumorale est suspectée devant une ascite isolée, sans signe d’hypertension portale
ou d’insuffisance hépatique, sans œdème des membres inférieurs (sauf en cas de compression
de la veine cave inférieure).
Il existe souvent un amaigrissement.
On peut parfois percevoir une masse abdominale ou pelvienne, des nodules péritonéaux au
niveau de la paroi abdominale ou du cul-de-sac de Douglas, ou encore une hépatomégalie
métastatique.
Le liquide est habituellement riche en protides (> 25 g/l), parfois hémorragique. La présence
de cellules malignes à la cytologie peut être difficile à affirmer.
L’étude de certains marqueurs tumoraux (alpha-fœto-protéine, CA 19.9) peut être utile, mais
l’élévation du CA-125 perd en revanche de sa spécificité en présence d’une ascite.
Les deux principales causes sont les tumeurs de l’ovaire et les carcinoses péritonéales.
a) Tumeurs de l’ovaire
– L’ascite traduit souvent la dissémination péritonéale d’une tumeur ovarienne maligne.
– Le diagnostic est porté par l’échographie et le scanner qui montrent la tumeur.
– Le diagnostic histologique est effectué lors de la laparotomie.
– Le syndrome de Demons-Meigs est une forme rare de tumeur bénigne.
b) Carcinose péritonéale
– L’ascite est souvent modérée. Il peut exister des douleurs abdominales ou des signes subocclusifs
dus à des compressions digestives.
– Le taux de protides dans l’ascite est habituellement supérieur à 20 g/l.
– Lorsque le cancer primitif n’est pas connu (estomac, pancréas, côlon, foie, utérus, sein),
l’examen permettant de porter le plus rapidement le diagnostic peut être la laparoscopie montrant les granulations et les nodules multiples du péritoine dont on fait des biopsies.

c) Causes rares
– Mésothéliome :
* C’est une tumeur très rare du péritoine et/ou de la plèvre, le plus souvent maligne, favorisée par le contact avec l’amiante.
* L’ascite est associée à des douleurs abdominales et à des signes de compression viscérale ; une ou plusieurs masses pariétales ou épiploïques sont souvent perçues.
* Le liquide est très riche en protéines (> 40 g/1) et en acide hyaluronique. Le diagnostic repose souvent sur la laparoscopie avec biopsies.
– Maladie gélatineuse du péritoine :
* C’est une forme très particulière d’ascite, d’aspect translucide et de consistance visqueuse
(proche de la mucine), due le plus souvent à un cystadénome ou cystadénocarcinome
mucineux de l’ovaire ou de l’appendice.

4. Ascite tuberculeuse
L’ascite (souvent modérée) est associée à une fièvre, un amaigrissement, des douleurs bdominales,
un syndrome inflammatoire.
Il existe souvent un contexte épidémiologique particulier.
Une cholestase anictérique peut être associée, ainsi que d’autres localisations tuberculeuses.
Le liquide d’ascite est riche en protides et en cellules, à prédominance de lymphocytes (> 80 %).
La recherche de BK à l’examen direct est souvent négative et le résultat des cultures tardif et
inconstant.

La laparoscopie permet le diagnostic en révélant des granulations blanchâtres au niveau du
péritoine.
La biopsie de ces lésions montre la présence de granulomes épithélioïdes gigantocellulaires,
parfois centrés, d’une nécrose caséeuse.


5. Causes diverses
Ascite au cours des anasarques.
Ascite pancréatique :
– Une ascite modérée peut être observée au cours d’une pancréatite aiguë ou chronique, par
fissuration d’un faux kyste ou rupture canalaire.
– Le liquide est riche en protides, en cellules et surtout en amylase.
Ascite au cours de maladies systémiques :
– Une ascite peut être observée au cours du lupus, des vascularites, de la maladie de Whipple,
du myxœdème ou au cours d’une hémodialyse chronique.
Ascites chyleuses :
– La présence de lymphe dans l’ascite lui confère un aspect lactescent, avec une teneur en triglycérides
élevée (supérieure à celle du sang) et la présence de nombreuses cellules lymphocytaires.
– Les causes d’ascite chyleuse sont les obstructions ou compressions des lymphatiques, les
malformations du système lymphatique et les traumatismes du canal thoracique.


POINTS FORTS
L’ascite est une collection liquidienne intra-péritonéale.
La ponction exploratrice est toujours indiquée et confirme le diagnostic.
L’étiologie de l’ascite est souvent évidente. L’examen du liquide d’ascite ne fournit
le plus souvent que des éléments d’orientation pour le diagnostic étiologique.
Le dosage des protides permet la distinction entre transsudat (protides < 25 g/l) et
exsudat (protides > 25 g/l).
La cirrhose est la cause la plus fréquente d’ascite.
    L’ascite est un signe de décompensation de la       cirrhose.
L’infection du liquide d’ascite chez le cirrhotique est spontanément très grave et
doit donc être diagnostiquée et traitée le plus rapidement possible.
Une ascite peut survenir au cours de cardiopathies associées à une forte augmentation
de la pression veineuse : péricardite chronique constrictive et valvulopathies
tricuspidiennes, et en cas d’insuffisance cardiaque droite.
L’origine tumorale est suspectée devant une ascite isolée, sans signe d’hypertension
portale ou d’insuffisance hépatique, sans œdème des membres inférieurs (sauf n cas de compression de la veine cave inférieure). Il existe souvent un amaigrissement.                           

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